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20 avril 2007

Madagascar

Carnet de voyage 2007

15 mars - 06 avril




Jeudi 15 mars 

Aéroport de Roissy Charles de-Gaulle. Chargé de deux sacs-à-dos d’un poids total de trente kilos, je m’apprête à partir, par vols secs, pour trois semaines. Direction l'Ile Rouge.

L’avion décolle avec vingt minutes de retard. Mes voisins de rangée sont Anita (30 ans) et David (29 ans). Ils sont cousins et originaires de Madagascar. Pendant le trajet, nous sympathisons et échangeons nos coordonnées. David me propose de les retrouver, si possible, en fin de parcours à Tamatave. Hasard des choses: nous constatons que nous reprendrons aussi le même vol retour pour Paris !

La descente d’avion est un soulagement bien que les dix heures trente de transport ne m’aient pas véritablement embarrassé. Seulement, je n’ai pas réussi à dormir une minute. Je suis donc heureux d’être à destination et me sens prêt à découvrir ce qui m’attend…

Vers 07h30, je quitte l’aéroport d’Ivato, avec un taxi, pour la gare routière du sud de Tananarive. Je souhaite, en effet, partir au plus vite de la capitale où il n’y a guère de choses qui m’intéressent et me retiennent. Aussitôt débarqué, je m’engouffre, cette fois, dans un taxi-brousse en direction d’Antsirabe. Nous sommes seize dans le véhicule, un minibus Mazda. Le chauffeur effectuera une seule halte pour un ravitaillement. Les autres arrêts, il s’agira uniquement de brefs contrôles à des barrages militaires. La moitié du trajet a été la source d’une divergence d’opinions sur la politique intérieure entre deux passagers. Le sujet portant sur l’efficacité de la politique gouvernementale de l’actuel président Marc Ravalomanana et sur le prochain référendum concernant la réforme de la constitution du pays.

Sur la route, le paysage est magnifique, vallonné, vert, plein d’odeurs. La nature est entièrement consacrée à l’agriculture, principalement aux rizières. Le moindre espace des hauts plateaux est optimisé. Chaque colline est aménagée en terrasse pour la culture du riz. La pauvreté est à chaque détour de rues. Les gens, souvent pieds nus, sont habillés avec des vêtements usés. Les enfants, assis par terre, jouent à même le sol qui n’est autre que de la boue, dans cette région pluvieuse. Il est 11h00, j’arrive à Antsirabe, la ville d’eau, surnommée encore la Vichy malgache pour ses thermes. Puis je prends un pousse-pousse, tiré par Frédéric, afin de rejoindre l’hôtel Hasina, ma destination finale pour aujourd’hui. A mon arrivée, un bon accueil m’est réservé et le personnel dégage un sérieux professionnel. Tulipe est le nom de ma chambre et de ma fleur préférée. J’y déballe mes affaires, déjeune grâce à mes victuailles et me repose un peu.

A 14h00, je ressors avec mon petit sac-à-dos et mon matériel photographique. Léonard m’entraîne, en pousse-pousse, pour un tour complet de la ville. Je rentre plus de trois heures après et j’entame alors les négociations pour la suite de mon programme : la descente en pirogue du fleuve Tsiribihina. Je discute donc avec Patrice, un intermédiaire qui me propose dès mon arrivée à l'hôtel de se mettre à mon service et de pouvoir me procurer tout ce dont je pourrais avoir besoin... même des filles et du cannabis.

 

Vendredi 16 mars

Grasse mâtinée. Je sors de l’hôtel en début d’après-midi voir les thermes et faire un tour au marché. Léonard m’accompagne. Le marché est un lieu très vivant, coloré et très poussiéreux. Les enfants et adultes sont assis à côté de leur stand ou allongés au dessus de leurs marchandises. Les gens se laissent prendre facilement en photo. Quelques personnes passent leur journée à observer les allées et venues de la rue. D’autres mendient, tandis que les « pousses » attendent tranquillement aux abords du marché, prêts à ramener chez eux les clients chargés de leurs courses. Tel peut être le quotidien de certains Malgaches.

Les habitations sont des cabanes de bois, il y a très peu de maisons bétonnées. Je remarque que chaque pousse-pousse porte à l’arrière une inscription peinte. Léonard m’explique qu’il s’agit du nom du propriétaire. Ce dernier détient, généralement un parc entier de véhicules, qu’il loue ensuite par forfait à la journée à des travailleurs comme Léonard.

Journée paisible et reposante…

Je prépare toujours ma descente du fleuve. Je négocie encore le prix de mon excursion et mets en concurrence plusieurs guides. Patrice me ramène un pochon de papier dans lequel est dissimulé dix têtes de cannabis qu’il souhaite me céder pour moins de quatre euros. Lui-même en est un consommateur forcené au point d’en avoir son pouce et son index brûlés par ses mégots. Patrice me relance également sur la possibilité de me présenter une « jolie fille » pour soixante-dix mille ariary, soit vingt-huit euros.


Samedi 17 mars

Je quitte l’hôtel à 09h00, Léonard m’attend déjà pour aller au marché aux zébus qui se tient tous les samedis. La balade en pousse-pousse est interminable, agréable car verdoyante et attristante à la fois car nous traversons des quartiers remplis de misère. Au fil des jours, j’apprends à mieux connaitre Léonard. Marié, père d’un enfant, il travaille une semaine sur deux sur Antsirabe en tant que « pousse », pour retrouver la semaine suivante sa femme et son bébé qui habitent dans un village à une quinzaine de kilomètres. Léonard tire, marche, court pieds nus indifféremment sur la terre comme dans la boue, sur les racines comme dans les ordures… Il ne se plaint jamais et affirme toujours ne pas être fatigué. Pour autant, je ne peux m’empêcher de lui demander de s’arrêter pour faire des pauses ou pour descendre lorsqu’une pente me semble trop raide.

Le marché aux zébus est une réunion impressionnante de têtes de bétail. On y trouve des zébus pour l’élevage et l’abattage mais aussi quelques cochons. Léonard me questionne : « Chez vous, en France, ça coûte combien un zébu ? » Il est surpris d’apprendre leur absence. Sur le retour, je m’arrête dans une boutique qui confectionne des objets d’arts (sculptures, bijoux, broches,…) à partir de cornes de zébus. Après avoir assisté à une démonstration de leur méthode de fabrication, je leur achète quelques œuvres.

Patrice me renseigne que la « jolie fille » se prénomme Sophie. Je n’en entends d’ailleurs que du bien… ça ne m’étonne guère ! 

Je viens de signer le contrat pour la descente de la Tsiribihina pour cent quatre vingt euros. Rien à voir avec les trois cents cinquante euros proposés trois jours plus tôt à ma descente d’avion, ou les deux cents cinquante euros ensuite. Mon organisateur s’appelle José. Je reste très méfiant. Je tiens à échelonner les paiements bien que José tente de modifier le contrat. Je réclame des garanties jusqu’au départ (tampons des autorités municipales et policières). L’affaire est officialisée mais je la trouve encore floue. Il faut néanmoins prendre des risques alors je me lance. Tous deux partons de nuit en taxi-brousse pour la ville de Miandrivazo. Après quatre heures de route sur la RN 34, me voici, avec José, arrivé au Gîte de la Tsiribihina. Il est 03h00, il est enfin temps de se coucher. La nuit sera assurément de courte durée puisque le départ est prévu tôt le matin.


Dimanche 18 mars

Nous nous levons donc de bonne heure. Finalement, je pars accompagné d’un piroguier qui se nomme Baboutou. José ne vient pas. D’après le guide du Routard, il est vivement recommandé de ne jamais partir seul mais préférablement en groupe. Néanmoins cette perspective ne m’excite pas du tout, je n’ai pas envie de partager cet isolement avec des inconnus qui risquent de me saouler… Vive la solitude! On verra bien.

Seul avec mon camarade, je m’éloigne de la rive pour trois jours de pagaies non-stop sous la chaleur écrasante du soleil. Notre embarcation mesure sept mètres de long. C’est une pirogue traditionnelle en bois, taillée dans le tronc d’un arbre. La Tsiribihina est un fleuve majestueux au courant modéré. Voguant sur les eaux marron, notamment polluées par les rejets domestiques des villages bordant le fleuve, l’aspect douteux et la qualité, à priori, pas très saine de l’eau n’empêche nullement Baboutou de la boire. Et de prendre des poissons piégés dans un filet en vue d’un futur repas.

La nature dévoile la richesse de sa flore et de sa faune : tortue, chauve-souris, caméléon, crocodile, rapace… A environ une vingtaine de mètres du sol, trois lémuriens noirs et blancs sautent d’arbres en arbres.
De toute la journée, nous ferons une halte pour « un arrêt pipi ». Après sept heures de pirogue, nous cessons notre avancée à 17h00 pour installer un camp pour la nuit. Baboutou dormira sous un abri, moi sous une tente. La nuit est la bienvenue.


Lundi 19 mars 

Nous levons le camp à 07h30 pour regagner les paysages du fleuve. Ceux-ci sont, d’ailleurs, très changeants. Nous traversons des plaines, des forêts puis des gorges… D’une largeur variable, la distance entre les deux rives peut parfois atteindre le kilomètre.
Pagayer sous le soleil est épuisant. Je suis bien moins performant que la veille. Je pagaye dix minutes et me repose d’autant.
Nous nous arrêtons pour déjeuner près d’une immense cascade où j’en profite pour me doucher ainsi que me rafraîchir. Pendant ce temps, Baboutou fait un feu de bois et prépare le repas. Au menu, des pâtes pour moi. Lui, tiendra à manger ses poissons, pêchés la veille, entre temps tombés dans le sable et visités par une colonie de fourmis.

(…) Je savoure l’instant (…)
Isolé de tout, je suis heureux de réaliser ce défi à l’autre bout du monde. Seul au milieu de Madagascar dans cette brousse.

Nous reprenons nos efforts mais cette fois-ci, je commence véritablement à ramer… au sens figuré du terme. Le soir, nous rejoignons un village côtier, nommé Berevo. Ses habitants vivent dans des cabanes faites de bois ou de terre et de paille. La nature environnante est l’unique richesse face au dénouement de cette région reculée. Un petit groupe joue au rami. Les autochtones sont assez distants et ne me parlent peu.

Je suis ko. Avec tous ces efforts, j’accuse désormais sévèrement le coup. Je ressens des vertiges, un mal aux yeux et je commence à avoir des nausées. Je ne tiens plus debout. Je vois trouble et lutte pour ne pas perdre connaissance. Quelques-uns le remarquent et viennent à mon chevet… me parlant, cherchant à comprendre mais malheureusement la barrière de la langue devient alors un désespoir de plus.

Equipé d’un modeste tensiomètre dont les piles montrent des signes de paresses et d’un vieux stéthoscope, le docteur de brousse, vient me voir en soirée mais ne peut rien pour moi. Ma tension est à 9/6. Le sommeil me réparera un peu.


Mardi 20 mars

Au réveil, je suis mieux mais loin d’être en forme. Je reste très faible, à l’équilibre précaire. Je décide d’arrêter certains médicaments qui risquent d’aggraver mes symptômes. Encore une journée jusqu’à Antsiraraka, notre point de chute. Je reprends ma place dans la pirogue, néanmoins Tina, un autre équipier, se joint à nous. Je n’aurais aucun effort à faire grâce à mes compagnons de « galère ».

Pourtant mes malaises reviennent et s’amplifient. Ici, je ne peux rien faire pour moi-même, il me faut simplement quitter la brousse et gérer au mieux ma résistance. Je veille à bien boire.

A la descente de pirogue, la « roots aventure » se poursuit car s’ajoute ensuite, inévitablement, une heure de trajet à l’arrière d’une charrette à zébus pour arriver à bon port. Transport rustique, peu confortable mais obligatoire car il n’existe aucun autre moyen de traverser les marécages. Le soleil ne laisse aucun répit et la fatigue se fait vraiment ressentir. Arrivé à Antsiraraka, je souffre toujours de violents malaises. Je réclame de nouveau à consulter un médecin. Ma tension a chuté à 7/5. La peur me gagne mais je dois garder mon sang froid et ma lucidité. Le docteur estime qu’il vaut mieux aussitôt quitter la brousse et rejoindre le dispensaire, le plus proche, de Morondava. Nous roulons donc de nuit, avec Tina et mon chauffeur 4x4, afin de profiter de la fraîcheur. Les trois heures de routes sur pistes et crevasses ne sont pas une partie de plaisir. Je vomis régulièrement.


Mercredi 21 mars 

Nous arrivons en milieu de nuit, à 03h00, à Morondava. Après deux hôtels complets, le Zoom Hôtel sera mon étape. Je suis épuisé, très affaibli physiquement. Le moral en prend un coup alors que je ne sais pas si je dois continuer mon périple. Avant de m’endormir, je remarque que je viens de laisser mon téléphone portable et mon bob sur la banquette arrière du 4x4, déjà reparti. Malade comme un chien, me voici maintenant sans moyen de communication au moment où je pourrais le plus en avoir besoin. Le gardien de nuit de l’hôtel m’affirme, heureusement, bien connaître le chauffeur qu’il rappellera.

Je dors toute la journée pour récupérer le plus possible. En fin d’après-midi, je décide de me rendre au dispensaire. Le diagnostique se révèle être une déshydratation majeure. Je suis gardé en observation et mis sous perfusion. Les lieux sont dans un état de délabrement impensable, l’hygiène est quasi nulle. Deux infirmières et un anesthésiste s’affairent autour de mes bras. Personne ne veut m’entendre ou écouter mes recommandations. Douze fois sont nécessaires pour réussir à me piquer avec la même aiguille. J’ai les bras explosé de veines claquées. Les odeurs des sanitaires refluent à cause de la chaleur, les peintures (certainement au plomb) tombent en lambeau, le peu de mobilier est rouillé… Allongé sur un simple matelas, rien à faire, je dois prendre mon temps en patience. Le moral joue à plein.

Vila, un surveillant général du dispensaire, m’aide et officie auprès de moi en tant que garde malade. Je ne suis guère ravi de ne pas être seul mais je dois admettre que je ne sais pas comment je pourrais me passer de sa présence.

Je rencontre Jean-Michel (64 ans), français expatrié et africain dans l’âme. Un grand bonhomme barbu et trapu qui a pour habitude de rendre service, bénévolement, au vazaha [étranger] hospitalisé. Cela fait sept ans qu’il s’est installé sur Madagascar où il tient un hôtel à Belo S/Mer. Jean-Michel me propose de m’apporter, si besoin, son aide. Il me dépanne en premier lieu en me fournissant de l’eau et un oreiller, puis en me rapportant quelques affaires restées au Zoom Hôtel. Les médecins m’incitent fortement à rentrer sur Tananarive pour organiser un éventuel rapatriement. Avec mon aval, Jean-Michel signale ma situation au consulat et s’occupe de la pré-réservation d’un vol vers la capitale. A cet instant, je me dis que je ne reverrai finalement pas mes camarades de vol, David et Anita.


Jeudi 22 mars 

Ce jour, je me sens sensiblement mieux, mais reste perfusé. Le tensiomètre indique 9/6. Je trouve dommage de repartir sur Tana. Je demande donc à Jean-Michel de modifier mon billet. Direction Tuléar. Au dispensaire, une femme médecin, le docteur Lucienne [de son prénom, son patronyme étant trop compliqué à prononcer] rentre spécialement chez elle afin de réchauffer ma conserve de lentilles. Un geste aimable qui me touche énormément. Ce sera le premier repas chaud depuis mon départ.

Tout le monde, ici, est étonné de me savoir lancé seul dans cette aventure sans groupe, sans ami(e) ou sans contact malgache. 

En milieu de journée, je reçois une visite inattendue. Deux infirmières d’une quarantaine d’années, se présentant comme « fonctionnaires d’état », entrent dans ma chambre et me demandent depuis combien de temps je suis ici. Elles ont un air grave et peu commode. Je leur réponds, mais je ne sais toujours pas qui elles sont. L’une d’entre elles porte des lunettes aux verres épais qui ont pour conséquence de lui faire ressortir ses yeux par un effet loupe. Son acolyte, en retrait, tient entre ses bras un bouquin. Puis elles commencent à me parler du Christ et de Rédemption. Ces évangélistes protestantes usent, en fait, de leur statut pour crédibiliser leur prosélytisme. J’observe alors que le livre n’est autre que la Bible. Elles me demandent si je crois au Christ et partent dans un prêche infini. « Sans pardon, point de Salut », me répètent-elles obstinément. La mise en garde est claire. « Seul Christ-Roi peut [me] sauver », me précisent-elles. J’ai l’impression d’assister à mes derniers instants, il faut que je me repente selon elles. L’heure de mon extrême onction a sonné. A fond dans leur conviction, leur monologue dure. L’autre hystérique avec ses yeux globuleux me fait flipper tellement elle est habitée par ses paroles. Me récitant des versets bibliques par cœur, je n’ose pas l’interrompre ou la contredire. J’ai l’impression que ces nonnes carburent aux ecstasys. Pour être tranquille, je réponds « oui » à toutes leurs questions. Je suis épuisé et ne peux pas faire face à leurs débits. Ensuite les soubrettes me proposent de faire une prière avec elles. J’accepte aussitôt... Je veux que ça se termine vite! Puis elles me remettent une brochure et quittent enfin ma chambre. Je respire mais elles m’ont épuisé. Après coup, je me dis que ça aurait été bien d’organiser un dîner de cons avec elles deux et certains Témoins de Jéhovah que je connais en France !

La religion tient une grande place dans la société malgache. Elle se retrouve notamment dans l’artisanat à travers de nombreux objets pieux. La moitié des Malgaches vouent toujours une ferveur traditionnelle pour le créateur Zanahary ainsi qu’un respect du culte des ancêtres et des rites funèbres. La part de citoyens se réclamant du christianisme est de 40% (catholiques et protestants à proportion égale) et il n’est pas rare de trouver dans les hôtels une Bible au chevet de son lit. La communauté musulmane représente, quant à elle, environ 7% de la population.


Vendredi 23 mars 

Quand je me maintiens debout, je suis essoufflé et pris de faiblesse dans les jambes. La fatigue sévit encore. Je suis pris de doutes. Le docteur Lucienne me rappelle la sagesse qu’induirait un retour en France. Mais l’envie de poursuivre est plus forte…

Je sors en milieu d’après-midi et retourne au Zoom Hôtel. Après une bonne sieste, je sors voir la mer située juste derrière l’hôtel. Je photographie des enfants jouant au basket parmi les ruines d’une ancienne maison. Sur la plage, je rencontre Jeanne, une jeune fille assise en sirène sur le bord d’une pirogue colorée. Elle a une vingtaine d’année et travaille à vendre les produits de la mer rapportés par les Vezo, peuple de pêcheurs semi-nomade du sud-ouest. Je discute avec elle et l’immortalise sur pellicule. A l’horizon, s’étend le canal du Mozambique.

La prostitution est vraiment partout. Jeunes ou vieux, hommes et femmes, tous les vazaha sont en couple. Il faut dire que les prix sont tellement bas (à partir de seize euros) que cela incite à « consommer ». De plus, la législation en vigueur n’interdit pas les adultes à se prostituer et les hôteliers facilitent aisément les choses. Seulement, selon les chiffres officiels, 30% des individus se livrant à cette pratique se révélerait être des mineur(e)s.

Je dîne en bord de mer au Thaï Bay. Il paraît que le nom choisi du lieu serait un scabreux jeu de mot. Le restaurant est tenu par un expatrié français un peu curieux, qui souhaite savoir ce que je viens faire à Madagascar. Je lui réponds que je sillonne le pays. Il insiste : « pour raison professionnel ? » Je lui réponds que je suis journaliste, espérant qu’il me lâche un peu mais surtout qu’il prenne soin de mon dîner. Je commande, en entrée, une excellente soupe de poissons accompagnée des ses petits croûtons et sa sauce rouille. Ma stratégie fonctionne, le patron en personne s’occupe de moi. Aux petits soins, j’enchaîne avec de succulentes crevettes grillées au gingembre et je termine par un sorbet au citron. Je vais pour payer, le patron m’offre un digestif. Je choisi un rhum maison. Je suis aux anges.


Samedi 24 mars 

Le prochain vol pour Tuléar n’a lieu que lundi matin. Je suis donc bloqué encore pour le week-end sur Morondava. Mon programme se résume à une grasse matinée, visiter la ville et prendre des photos. Jeanne vient me réclamer à l’accueil du Zoom Hôtel. Je n’ai pas envie de la voir maintenant, j’irai dans la soirée. Jean-Michel passe me chercher en moto. Nous allons déjeuner ensemble au Jamaïca Café. A la deuxième bouchée de mon plat de résistance, je ressens une bouffée de sueur qui monte et un vertige m’envahir. Je commence à avoir des troubles de la vue et à perdre la raison. Je crie sans m’en rendre compte : « arrêtes ! », comme si quelqu’un me frappait. Jean-Michel m’allonge sur une chaise longue et me donne un verre d’eau. Là encore, heureusement qu’il était présent car je sombrais dans une sorte d’hallucination. Je soupçonne la qualité des aliments, la préparation ou l’hygiène de la cuisine.

En fin de journée, après une longue sieste, je me rends sur la plage. Jeanne n’est pas là. J’improvise un foot avec une noix de coco en compagnie de trois gamins, heureux comme tout. Le soir même, je m’aperçois que j’ai perdu deux cents euros, laissés dans une enveloppe, certainement jetée à la poubelle lors d’un tri de papiers. J’enrage.


Dimanche 25 mars 

Je pense souvent à ceux qui me tiennent à cœur. A Sophie, dont je détiens une photo où nous sommes ensembles et qui me manque beaucoup. Je respire régulièrement l’odeur de son parfum laissé sur son foulard. A Julie et à la famille en espérant qu’ils ne sont pas trop inquiets. A Clément et au Cercle en me demandant ce qu’ils peuvent bien faire en ce moment. A Chris, à chaque fois que j’utilise sa lampe à dynamo ou que j’aie à résoudre un problème requérant un système D.

Je m’apprête à partir voir l’Allée des Baobabs, située à une demi-heure de route de Morondava. C’est une curiosité très touristique. Je partage mon taxi avec Mirko, un italien qui réside dans le même hôtel que le mien. Il vient d’arriver en ville après avoir, lui aussi, descendu la Tsiribihina en pirogue.

Nous arrivons sur place peu avant le couché du soleil. Au moment idéal. L’Allée des Baobabs est une fierté locale, leurs « Champs Elysées malgaches», nous dira le chauffeur de taxi. Sur le bord de la piste, aux pieds des baobabs, quelques personnes habitent là, éloignées de tout. Aussitôt le crépuscule tombé et plusieurs de prises de vues réalisées, nous retournons à l’hôtel. Demain, je prendrai une ligne aérienne intérieure pour gagner Tuléar. Mirko fera de même, prochainement, en reliant Tuléar par la mer en six jours, toujours en pirogue.
Je passe ma dernière soirée en compagnie de Jean-Michel qui m’invite dîner à la Ruche. Je le questionne sur son parcours, sa jeunesse et ses projets. Je l'écoute avec passion et suis admiratif de son histoire personnelle.


Lundi 26 mars 

Vol pour Tuléar au départ de Morondava à 10h45. Heure de réveil : 07h00. Jean-Michel passe me prendre avec sa Honda 600cm3. Direction une petite gargote, proche du port, pour avaler un café qui me laisse la nausée. Un taxi m’attend pour me conduire à l’aéroport. Sur le chemin, je demande au taxi de faire un détour par le dispensaire afin de remettre à Vila un de mes jeans et une chemise, en guise de remerciements.

A l’aéroport, il me semble apprendre que l’appareil soit un ATR 42. C’est un petit avion aux moteurs à hélices. D’en haut, Madagascar ressemble à un grand terrain de golf, vert et vallonné. Le vol dure moins d’une heure. A ma descente d’avion, j’emprunte un taxi pour me rendre à l’hôtel Dera.

Je dors une bonne partie de l’après-midi car je suis encore très fatigué. Puis je décide de sortir vers 17h00 quand le soleil est plus bas. Je monte dans un pousse-pousse appartenant à Dada, un jeune d’une vingtaine d’année, afin de me rendre au marché aux coquillages. J’y fais mes premiers achats. C’est le bonheur! Avec un petit coup au moral en début de journée, dépenser pour faire des cadeaux me fait retrouver ma joie. J’achète pour tout le monde… même Dada ! Je lui paye une partie de la course par un bracelet argenté qu’il a repéré.

Je viens de recevoir un appel du responsable de mon agence de location. Il y aurait une fuite à ma chasse d’eau depuis cinq jours qui fait un boucan d’enfer. Du neuvième au cinquième étage, mes voisins n’arrivent pas dormir et enragent. Seulement je ne peux passer aucun coup de fil et la poste est déjà fermée. Je traiterai cette urgence… demain matin.
Dans la soirée, je sors dîner au Corto Maltesse, un restaurant italien en vogue.


Mardi 27 mars

Où que je sois dans le pays, chaque matin, je suis réveillé par le chant d’un coq. A 09h15, je suis à la « cyberpaositra » [cyber poste] pour envoyer un message à Julie afin qu’elle passe, chez moi, couper l’eau et j’en profite pour donner de mes nouvelles à Sophie qui doit s’inquiéter. Ensuite, je retourne au marché aux coquillages terminer mes achats.

Sieste règlementaire entre 12h00 et 16h30, j’emprunte aux Malgaches la philosophie du « mora mora » [tout doux]. Je ressors pour aller voir la boutique d’art malgache d’une ONG et désire poursuivre par un massage (également règlementaire) car j’ai mal au dos. Toutefois, une charmante demoiselle m’informe qu’il n’y a plus de disponibilité pour aujourd’hui, or je m’en vais demain matin à Fianarantsoa. Je n’aurai donc pas ce massage tant attendu.
Vexé, j’irai au café La Terrasse juste à côté m'offrir une bière, une assiette de frites et une crêpe au sucre, laquelle je partagerai avec mon
« pousse ».


Mercredi 28 mars 

Levé 06h30. Je quitte l’hôtel Dera une demi-heure plus tard. Dada, mon « pousse » habituel, n’est pas au rendez-vous. J’en prends un autre. Arrivé à la gare routière, c’est la cohue. Le pousse-pousse est pris d’assaut par une demi-douzaine d’individus qui aguichent le tout-venant. C’est la guerre entre les coopératives de taxis-brousse. Les types en arrivent presque aux mains. Je partirai seulement à 09h30 quand le taxi-be sera rempli de ses seize passagers.

En route, nous traversons de petits villages et des paysages très hétéroclites. Des rizières et de la brousse à perte de vue. S’ensuivent des forêts et des marécages. Puis des montagnes rocheuses avec leurs pics et leurs falaises abruptes. Le tout entrecoupé de fleuves et de rivières…. Quelle richesse ! Madagascar est un joyau à l’environnement naturel exceptionnel. Malheureusement, je ne peux réaliser aucune image de la voiture, tout va trop vite.

Ces montagnes des Hauts Plateaux sont merveilleuses, colorées et marquées par l’érosion. Et puis voici la traversée du massif de l’Isalo ! Bien que je ne m’y arrête pas, je découvre déjà tellement de belles choses que je suis largement comblé. Mes yeux se régalent sur les paysages qui s’intervertissent : brousse, montagnes, forêts, rizières.

A mi-chemin, je ne vais pas fort. J’ai encore des nausées. Assis sur un strapontin, j’ai mal au dos et n’ai aucune place pour les jambes. C’est assez pénible. Le mental prend. D’autant que sur ma rangée, nous sommes cinq à être côte-à-côte. Trois adultes et deux enfants dont un, spécialement chiant d’environ cinq ans, à ma gauche… Le petit me file des coups de pieds et cherche l’embrouille [or que je suis déjà mal, limite sur les nerfs] mais sa mère silencieuse devant son enfant-roi ne dit mot. Tandis que moi, j’encaisse pour ne pas torturer -et le mot est sincèrement pesé- le môme. Je suis tellement à cran que je fais même une prière pour m’aider à retenir ma violence !

Après dix heures de route, me voici à Fianarantsoa. Enfin car j’en ai marre ! Je me rends en taxi à l’hôtel Arinofy et je dors immédiatement.


Jeudi 29 mars 

Aujourd’hui est le jour anniversaire de l’insurrection de 1947 pour l’Indépendance du pays.
Je me réveille à 12h00. Je discute avec la fille de la réception de l’hôtel qui me propose de m’accompagner en ville lorsqu’elle débauche à 14h00. J’accepte. Lalah m’emmène donc à travers un dédalle de ruelles étroites, aux chemins cabossés, en direction de la gare où je dois réserver mon billet pour un départ samedi. Avant de me quitter, je lui demande de me déposer devant un cyber café. J’y resterai connecté deux heures pour quatre mille ariary. Je retourne ensuite vers la gare et m’arrête, en cours de route, prendre un verre dans un bistrot. Je suis pris de nouveau de nausées et décide de rentrer à pieds afin de préserver mes économies. Le parcours inverse est assez difficile et très pentu. Il fait très chaud, je suis fatigué et essoufflé. Je tente de faire abstraction des nombreuses marches que j’aie à gravir. Je me dis que j’aie de la chance d’avoir de grandes jambes. Car cela aurait pu être pire si j’avais été petit, avec de petites jambes… malade et puis moche, pourquoi pas ! Ce soir, je reste à l’hôtel. J’y prendrai un repas. Demain est un autre jour.


Vendredi 30 mars 

Je me sens mieux dès le réveil (10h30). La douche chaude continue à me rendre plus tonique. A 14h00, une fois son service terminée, je ressors avec Lalah en ville. Elle m’invite chez elle afin d’aller chercher son bébé de trois mois. Tahir, son petit ami, est le père de leur fille. Tous les deux ont vingt ans et travaillent dans l’hôtellerie et le tourisme. Nous repartons tous les quatre pour une longue promenade dans la ville haute de Finarantsoa. Tahir nous sert de guide. Nous traversons de jolis paysages avec de vieilles maisons de bois et de terres. Les enfants sont nombreux dans ces quartiers plutôt pauvres et isolés. Là encore, on me remercie pour la photo. On échange des mots et des adresses… Au sommet de la colline, sur la Rova (lieu de l’ancien palais), le panorama surplombant la ville est de toute beauté.

Aujourd’hui, il fait très beau et heureusement pas trop chaud. De retour chez Lalah, je lui propose de prendre toute sa famille en photo afin de remettre une image à son oncle et à sa petite sœur de huit ans, vivants en France. Décor improvisé et lumière intérieure artificielle. Les conditions de prise de vue sont délicates. En remerciements de leur accueil, je laisse en cadeau un sac de pâtes et deux conserves de pâté de campagne à la mère de Lalah. Il est 19h00, j'ai retrouvé ma chambre d'hôtel. Je prépare aussitôt mes affaires pour mon départ demain vers Manakara. Je pense quitter l'Arinofy Hôtel à 06h15 pour le train de 07h00. J'ai fait une grosse sélection, un tri sévère d'affaires à donner. Je serai donc plus léger pour Ambositra afin de ramener le maximum de cadeaux surprises à la famille, aux amis et à Sophie à laquelle je pense chaque jour.


Samedi 31 mars

Nuit blanche. Je n’ai absolument pas fermé l’œil de la nuit certainement à cause de l’excitation de prendre le train pour Manakara… A moins que ce soit la crainte d’être en retard et de le louper. Dans la nuit, une blatte d’environ une dizaine de centimètres de diamètre a réussi à rentrer à l’intérieur de ma moustiquaire. Curieux tête-à-tête qui s’est mal terminée pour la bestiole…

Avant de quitter l’hôtel à 06h30, Lalah me remet une lettre pour son oncle, résidant en banlieue parisienne, et m’offre un petit cadeau de remerciement. Ce geste me touche très sincèrement. La descente jusqu’à la gare n’est pas très longue mais périlleuse d’un point de vue de l’équilibre avec mes sacs-à-dos de plus de trente kilos. Ma réservation de billet m’assure un siège en seconde classe. Je suis installé à une place privilégiée du fait qu’elle soit tout au fond du dernier wagon. Je suis ainsi tranquille. Les sièges sont des bancs en bois pas très confortables. Le train FCE est bondé et beaucoup de Malgaches font leurs adieux sur le quai. Chaque départ de train est une sorte d’attraction et de fête.

La motrice commence à cracher la vapeur, les sifflets retentissent et le train quitte la gare avec une demi-heure de retard. Entre Fianar- Manakara, dix-huit stations ponctuent les 170 km de ligne. Le FCE s’immobilise à chacune et effectue une vérification sur les roues, avant chaque nouveau départ. A chaque arrêt, des habitants apportent des plateaux remplis de fruits, poulets, crabes, écrevisses… Le plus souvent, les enfants viennent réclamer à boire, des stylos ou de l’argent et cherchent à récupérer les bouteilles en plastique vides. Je cède mes affaires un peu plus à chaque gare. Bougies, briquets, bobs, savons, papiers hygiéniques, t-shirts, sweat-shirt capuche, chemises, paire de Nike Air… 

Au fur et à mesure, la végétation s’étoffe. Nous traversons des rizières, des étangs, des lacs et des fleuves. Le petit train vert se faufile sous les nombreux tunnels, offrant aux jeunes l’idée amusante d’y hurler pour s’entendre en écho. Toujours brinquebalant, nous longeons des précipices, franchissons des ponts et la nature ressemble de plus en plus à une jungle. Je discute avec d’autres passagers Malgaches et Norvégiens. Je photographie beaucoup et je me régale du paysage.

Après neuf heures de transport, me voici à bon port. Je monte dans un pousse-pousse, direction l’hôtel Morabe. L’accueil est agréable, je demande une chambre à l’étage. Après avoir commandé et avalé mon repas, je rejoins vite Morphée n’ayant pas fermé l’œil une minute la nuit précédente.

 

Dimanche 1er avril

Je profite du confort de mon lit et d’une longue récupération de sommeil… Je me lève à 14h00. Je sors vers 16h30 me promener dans la ville.
Sur le chemin, je rencontre Claudia, 22 ans, qui me propose de me faire un massage. Moi qui espérais me faire masser depuis mon occasion manquée à Tuléar et qui frustré ne l’attendais plus, je suis enfin satisfait de cette opportunité qui ne me semble toutefois pas anodine… Claudia vit seule dans une modeste case en bois, bien aménagée, dont le toit est en pisé et en paille. Aussitôt entré, elle tire les rideaux et allume une petite lampe diffusant une lumière tamisée. Son massage durera trois quarts d’heure et comme je m’y attendais arrive l’implicite proposition… Une coupure inopinée de courant lui donne l’excuse de faire une pause et de s’allonger à côté de moi… Ses mains posées sur moi me caressent lentement aux rythmes de ma respiration. Nos corps dans le noir complet, je sais ce qu’elle me signifie. Je n’en ferais rien. Je ressors léger et musculairement soulagé. Je mise avant tout sur le repos pour la suite car j’attends beaucoup d’Ambositra. J’y aurai besoin d’énergies. De plus, Manakara est une ville où il y a relativement peu de choses à voir et/ou à faire. Même la baignade dans l’océan indien est proscrite en raison de la présence de requins.

 

Lundi 2 avril

Je quitte l’hôtel Morabe à 08h00 pour une balade à Manakara Be, une enclave de terre, reliée par un pont, située à l’Est de la ville. Les plages de l’océan indien sont magnifiques. La marée est haute et les vagues viennent chatouiller les racines des palmiers qui tentent de se jeter à l’eau. Sur la rive, les anciennes demeures coloniales font offices aujourd’hui de bâtiments administratifs ou sont devenues un rendez-vous touristique de confortables maisons d’hôtes.

Je reste environ quatre heures au repos à contempler et à prendre quelques clichés. Je croise en balade Sébastien et ses amis. Ce sont de jeunes bergers, gardiens de zébus. Je discute avec eux, leur donne à boire. Ils n’ont peut-être pas vingt ans. Le sourire et la joie vissés sur leur visage, ils jouent avec leurs oiseaux domestiques posés sur leur épaule tel un perroquet. Et me montrent leur tour de dressage afin de m’impressionner… d’ailleurs je le suis !

Je dois encore attendre 16h00, l’heure de départ pour prendre le taxi-brousse vers Ambositra. Ma journée risque d’être longue et perdue puisqu’il semblerait que l’arrivée soit prévue entre 02h00 et 03h00 du matin. Je déjeune face à l’océan, j’écris un peu et me repose. Avant de quitter Manakara Be, j’entre dans une église et m'y repose. Au calme et au frais. Les dix heures de route vont être épuisants alors j’anticipe…

La flore et les paysages se diversifient. Cela devient splendide au coucher de soleil. La route est néanmoins sinueuse et la nuit tombant, les secousses répétées me donnent le mal des transports. J’arrive cependant à dormir quelque peu. Puis vers 02h30, le minibus s’immobilise pour me déposer devant le Grand-Hôtel. Je suis arrivé. Le gardien de nuit m’accueille et me porte aimablement mes bagages jusqu’à ma chambre.

 

Mardi 3 avril

Je sors seulement de mon hôtel en milieu d’après-midi. Je compte visiter la ville à pieds pour mieux l’appréhender. Ceci dit, je m’aperçois rapidement qu’elle est très étirée. Mon hôtel est situé en plein cœur du quartier des boutiques d’artisans sur bois, Tompon’I Vinany. Je me balade de rues en rues, appareil photo à l’épaule, découvrant cet artisanat remarquablement fin. Je prends mon temps. Certains commerçants m’invitent vivement à entrer voir leurs marchandises. Je commence à y faire des achats après m’être décidé sur plusieurs jolies pièces. J’ai également envie de rapporter des chaises malgaches pour mes frères et moi-même.

De retour à l’hôtel, je commande mon dîner. Je veille à bien gérer le peu de sous qui me reste. 
Il est d'ailleurs amusant d'observer que beaucoup de Malgaches parlent et comptent encore en FHG ou franc malgache, bien que la monnaie officielle soit désormais l’ariary, soit le cinquième du cours de l’ancienne devise.

A l'hôtel, la nuit tombée, le gardien occupe les lieux. Il a la responsabilité de veiller sur la sécurité des locaux et d’accueillir quelque soit l’heure le probable voyageur. Je descends lui parler afin de le remercier personnellement pour sa gentillesse d’hier soir. Malheureusement, le gardien d’hier s’est fait remplacer. Je discute alors avec son collègue qui m’explique qu’il reprend désormais son service dans trois jours. Johnny, de son prénom, est sensé rester à veiller dans une sorte d’atelier/garage. Il se repose sur des couvertures par terre et sa pièce ne comporte pas de lumière. On lui donne également deux à trois morceaux de pains pour la nuit. Vu le standing de l’hôtel, je suis assez choqué de ces conditions d’inconforts.

 

Mercredi 4 avril

J’ai prévu de me lever tôt car j’ai beaucoup de choses à faire et à voir. Je quadrille encore la ville avec mon appareil photographique. Je me rends au marché. Puis j’achète de nouveaux souvenirs en bois d’ébène ou de rose. Statuettes, masques, figurines d’animaux, marquèteries,… Puis encore un chapeau de paille et une nappe. J’ai enfin tous les cadeaux pour les gens que je souhaite gâter. Il me manque seulement les chaises que je compte retirer au dernier moment pour éviter de trop les transporter.

Je passe la journée dehors à marcher, à flâner. Il m'arrive de me figer quelques dizaines de minutes devant un paysage ou face à une scène de la vie quotidienne avant de poursuivre mon chemin. Ma fatigue physique me rattrape toutefois. Je recommence à me sentir faible. Tout le personnel de l’hôtel a remarqué que j’étais malade. Sans être indiscret jusqu’à me poser des questions inutiles, ils me proposent souvent de boire un verre gratuitement et ont tendance à me donner plus à manger que j’ai commandé. J’apprécie énormément leur attention et tente de ne pas en abuser.

Je retrouve Johnny en soirée. Je lui apporte une chemise, un jean et un pot de rillettes pour manger avec son pain. Nous discutons un moment. J’espère faire une bonne nuit car demain sera une journée entièrement consacrée aux transports. Je dois quitter Ambositra pour Tananarive par minibus, rejoindre ensuite l’aéroport d’Ivato en taxi pour 20h30. Et embarquer enfin pour mon vol retour. Mon séjour se termine…


Jeudi 5 avril

En allant remercier le personnel pour leur amabilité, la patronne derrière le bar m’interpelle et me demande si j’ai de quoi déjeuner pendant mon voyage. Sans avoir le temps de répondre, elle me tend deux sandwichs. Je suis touché et ne peux qu’une nouvelle fois les remercier chaleureusement. Voyant comme je suis chargé, deux jeunes de l’hôtel me proposent de m'emmener à la gare routière.
Une demi-heure après m’avoir déposé dans le taxi-brousse, un véhicule s’arrête à notre hauteur et klaxonne vivement. Ce sont les jeunes hommes du Grand-Hôtel qui me rapporte mon appareil photo oublié sur le siège arrière de leur voiture. Ma fatigue déjoue ma vigilance ! Et je suis bien heureux de leur honnêteté.

Le trajet du retour est très long et je tente au maximum de trouver le repos. Arrivé finalement à l’heure à l’aéroport, je n’ai plus qu’à attendre quelques heures avant de monter à bord dans l’avion. Dans la grande salle d’attente, j’aperçois David et Anita qui me font signes… Je suis content de les revoir. Eux sont étonnés de mon état physique, plutôt fatigué et un peu amaigri, mais aussi de ce que je viens finalement d’achever. Nous échangeons alors sur nos séjours.

L’avion est dorénavant prêt à nous recevoir, je franchis les contrôles d’identité et pose les pieds sur le tarmac lorsque mon sac-à-dos m’échappe de l’épaule. Le sac tombe brutalement et je constate qu’une bretelle est sectionnée nette. Jolie tentative de vol avortée... à quelques secondes prêt, je me trouvais encore dans l'enceinte de l'aéroport. A l’embarquement, les sièges de David et Anita sont à l’opposé du mien. Nous nous séparons donc ici, sans même s’apercevoir ensuite lors de la descente à Roissy…


Vendredi 6 avril

Je suis content d'être rentré et fier de mon périple. J'ai tenu mon itinéraire à la lettre, le même que j'avais décrit en détails à mes amis avant de partir. Ce fut une intense expérience...

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